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ARTICLE envoyé par le journal LES ECHOS
 
LE CERCLE/HUMEUR - Dans le confort ouaté de l'hôtel de Vogüé, les «experts» de France Stratégie préconisent que l'Etat devienne copropriétaire de tous «les terrains construits résidentiels» afin de solvabiliser la dette publique. Il y a comme un parfum de planification à la soviétique.
 
 

France Stratégie, hébergé dans le très cosy hôtel de Vogüé (VIIème arrondissement de Paris) est l'ancien Commissariat général au Plan et se nomme depuis 2013 le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP). Sa note n° 62 d'octobre 2017 de 12 pages porte un titre ambitieux : «Comment assurer la résorption des dettes publiques en zone euro ?» et s'inscrit dans un travail franco-français. Nulle part, il n'est mentionné de travaux préparatoires avec des organismes européens.

Deux pistes de travail

Fruit d'une réflexion coordonnée par le Commissaire général adjoint Fabrice Lenglart, la note du «think tank» de Matignon développe une première piste : via le Mécanisme européen de stabilité et le principe d'une mutualisation du risque souverain.? Or les pays du Nord et bien évidemment l'Allemagne n'en veulent sous aucun prétexte. Un fait qui aurait dû être intégré par les experts afin d'éviter de faire prospérer une impasse.

Lire aussi : Des solutions chocs pour résorber les dettes des Etats européens

 

Deuxième piste avancée : l'intervention de la BCE qui engagerait une politique d'achats des obligations d'Etats et tenterait de les muer en dette perpétuelle. C'est un raisonnement parfaitement crédible. En cas de crise majeure, les créanciers préféreraient nécessairement cette piste, compte tenu des richesses que porte notre Continent, et verraient ainsi leur perte minorée autant que possible.

Une troisième piste totalement erratique

?????Je cite ici le haut de la page 9 pour le lectorat bientôt incrédule : «La soutenabilité d'une dette publique excessive pourrait être crédibilisée en rééquilibrant comptablement le bilan patrimonial de l'Etat par la voie d'un transfert d'actifs depuis le bilan des agents économiques privés résidents, ce transfert étant assimilable à un impôt exceptionnel sur le capital. Concrètement, une façon de procéder consisterait en ce que l'Etat décrète qu'il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d'une fraction fixée de leur valeur, et que ce nouveau droit de propriété est désormais incessible.»

Et ce n'est pas fini : «En conséquence, l'Etat deviendrait créditeur d'une somme annuelle correspondant à une part de la fraction de la rente immobilière associée à la copossession du terrain. [...] Tout propriétaire, désormais redevable de cette somme à l'Etat, pourrait choisir de ne pas la payer. Dans ce cas la fraction du terrain possédée par l'Etat augmenterait d'année en année. L'Etat récupérerait alors la somme due lors de la première transaction qui interviendrait sur le bien immobilier, lors de la vente ou de la transmission à un héritier.»

Esprit collectiviste

Les mots de l'étude se suffisent à eux-mêmes et démontrent que des experts dans la ouate d'un confort matériel obscène au regard des conditions de travail des rédacteurs et administrateurs de l'Insee dans l'immeuble historique de la Porte de Vanves (en cours de déménagement : enfin !) peuvent tenir des propos stratosphériques.

Concrètement, il s'agirait de glisser d'une France très socialisée, voire socialiste, à un pays d'esprit collectiviste. Il y a comme un parfum de planification soviétique dans cette proposition qui est d'autant plus lourde que la dépense publique représente dans notre pays 57 % du PIB. En fait, cette idée est choquante car elle fait porter sur les fourmis du corps social le poids des approximations de gestion des cigales publiques. Non, l'intégralité de la dette publique et de ses 2.209 milliards d'euros (au 1er septembre) ne vient pas d'une réponse aux besoins de la nation : une large part vient d'erreurs que la Cour des comptes détecte et diffuse régulièrement.

Humaniste, je veux bien payer, par l'impôt, la lutte contre la pauvreté de notre pays mais je refuse de devoir honorer les belles erreurs du type écotaxe. Leurs portiques et tout le reste est affaire de qualité de gestion et non de dette prise vulgairement dans sa globalité comptable. Par ailleurs, on sait que le conseiller du président Macron, Jean Pisani-Ferry, (ancien numéro 1 de France Stratégie) n'aime pas l'immobilier et qu'il est largement à l'origine du nouvel ISF : l'impôt sur la fortune immobilière.

Vous noterez que dans la logique de la note Lenglart, seul le patrimoine foncier est appelé à contribuer et qu'une fois de plus, celui qui a dix millions d'euros d'assurance-vie passe à l'as. Cette discrimination intellectuelle, économiquement contestable et méprisante pour l'immobilier, est indigne du niveau de France Stratégie qui vit – ne l'oublions pas - de la manne publique. Quel rendement ! Au demeurant, le Premier ministre a senti le risque de cette débauche de délires et a recadré l'organisme qui a succédé à une institution qui, elle, méritait considération voire admiration.

Jean-Yves Archer est économiste

@JYvesARCHER

En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-174809-le-delire-ideologique-de-france-strategie-2122079.php#SvSCJv3XuMQxMIKJ.99
 
 
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